DECOMPOSITION

Apres la mort, le corps ne s'arrete pas. Meme considere parti, une  autre activite demarre, clandestine, voir meme subversive. Des organismes tertiaires prennent le relais et une autre vie succede a l'existence anterieure.

Il en va de meme pour les systemes politiques, les meilleurs comme les moins bons . On peut vouloir les garder, les bouleverser ou s'en debarasser mais d'inombrables mecanismes continueront a proliferer, a lutter, a se defendre.

L'Occident semble etre entre dans un  stade pre-comateux. La democratie est en recul. L'hegemonie americaine est arrivee a son stade terminal. Elle ne maitrise ni ses demons interieurs ni les pressions venues de l'exterieur. Son president accidentel agit plus comme un George III fou que comme un homme d'état rationnel. Il attise les feux et cree un cenotaphe de societe. L'opposition n'a d'autre resort que de conduire une resistance (the "deep state") qui essaye d'enrayer la progression du Mal.

L'ephemere monde unipolaire a fait long feu. La pensee unique est enterree. Qui plus est, la creativite americaine incontournable apres la seconde guerre mondiale est aujourd'hui passee dans l'armee des ombres. Un syndicat successeur qui produit une " sous culture"d'argent, vulgaire, demagogique, occupe aujord'hui le terrain. Le nouveau pouvoir livre un combat permanent contre les "ennemis du peuple", sous la banniere de la "fake news". Dans le monde, les Etats Unis sont devenus les mal aimes, meme aupres des allies qui etaient encore inderacinables il y a deux ans a peine.

La decomposition actuelle de l'Occident est inconteestable mais elle n'est pas terminale. Il est vrai que les interests communs, politique, moral, financier, strategique, craquent. Trump aura ete l'entrepreneur des pompes funebres d'une idee. Encore faut-il qu'il arrive a tuer le patient. Au demeurant ses actions ne repondent aucunement a une reflexion intellectuelle. Elles relevant d' une antipathie structurelle envers une culture et un concept normatifs, don't il s'est toujours senti exclu. La "nonchalance intelligente" d'Obama constitue une barre trop haute et elle est donc a rejetter. Trump est une personnalite pavlovienne. Il est exclusivement reactif et donc facilement influencable ou previsible. Tout est la. Sa tempete reste ephemere. Shakespeare ou Giorgione n'en ont que faire.

Faut il etre defaitiste pour autant ? La guerre est loin d'etre perdue. En Amerique il reste un nombre considerable de "checks and balances" pour bloquer ou retarder des mesures, qui sous l'apparance de gestion, cachent un agenda reactionnaire, sounent inspire par les "Evangelicans" qui teleguident cette administration. Les elections partielles de Novembre risquent d'etre sans merci et sans consideration. Elles pourraient mene degenerer, au cas ou le president voudra s'en approprier le ton et le message. Ailleurs l'intemperance risque d'affaiblir dadvantage l'ordre consensual existant avec les allies (EU, OTAN, multitateralisme), et d'accelerer la montee de la Chine et de consolider le role de la Federation russe. Les presidents chinois et russe ont trouve en la personne de Trump une dupe sortie d'un libretto de Da Ponte.

La decomposition des orders existants ou des anneaux de Saturne est un concept cher a Steven Bannon, guru (en disgrace) de Trump, proche d'Orban et de ses pairs. Cet intellectuel etait l'exception dans l'entourage presidential generalement adverse aux considerations metaphysiques. Il ne cache pas son antipathie fondamentale envers l'ordonnance occidentale et semble vouloir reactualiser Jean Jacques Rousseau et  Thomas Hobbes. En realite la force du message reside surtout dans sa simplicite elementaire. Il interpelle l'individu considere comme marginalise, injustement penalise par une conspiration international progressiste accusee de sacrifier l'autochtone a l'ailleurs. Dans ces conditions, l'immigration, le libre commerce international, le multiculturel, l'AUTRE, deviennent les cibles d'une coalition assez disparate qui rassemble les frustres de tous bords. Il exile l'idee de choix et de diversite et decrete un requiem pour le temps present, accuse de toutes les turpitudes. 

Il est difficile de conduire la resistance alors que les leviers de commande aux Etats Unis sont occupes ou assieges. La Cour Supreme risque de devenir un bastion reactionnaire pour un temps indetermine. La mort de senateur John McCain est actuellement le seul evenement qui rassemble encore tant soit peu un pays polarise, l'espace d'un enterrement. L'absence de Trump - par decision du defunt et par depit du president- est un symbole d'un l'affrontement devenu permanent. Elle est aussi une defaite pour un president qui, chez lui comme dans le monde, reste un homme rejete par la majorite "reelle". .

Tous ceux qui regrettent la disparition de McCain, homme inegal mais jamais banal, posent un acte de resistance. Les Republicains qui ont choisi desormais le parti de Judas n'osent trop critiquer le dedain que Trump a toujours manifeste envers le senateur decede. Ainsi ils ont une nouvelle fois donne la demonstration de leur faillite morale collective.