TRISTE AMERIQUE

Pour suivre Trump il faut etre specialiste en Onomastique et Focalisation. Son vocabulaire est en deconstruction permanente. Ses declarations indirectes alimentent le chaos, qui est l'image de marque de cette administration. On peut se demander si cette cadence peut etre maintenue, a la lumiere surtout des effets pervers secondaires qui destabilisent de plus en plus les regles du jeu. La politique etrangere des Etats Unis est devenue un exercice opaque que se disputent plusieurs acteurs . De meme, les axes dans la gestion de la politique interieure ont conduit au demantelement systematique des grands corps de l'etat, en prenier lieu du judiciaire. D'autres priorites, sante, culture, environnement, education, sont remises en question. Le peleton d'execution est pret.

Les jeux Olympiques d'hiver en Coree du Sud ont ete le theatre d'un rechauffement (suspect) des relations entre freres ennemis et ont mis en lumiere la nature "opportuniste" des alliances avec Trump, qui ici comme ailleurs, sont considerees comme un moindre mal plutot que comme une valeur ajoutee. Il sera interessant d'observer comment se derouleront les prochaines manoeuvres militaires conjointes US / Coree du Sud. Obama a ete critique pour sa "patience strategique". Il semble que d'autres aujourd'hui, en premier lieu les Europeens, ont adopte cette meme ligne de conduite vis a vis du president Trump, dont les ecarts de language et de comportement n'etonnent plus. La barre est bien basse.

Il convient de ne pas dramatiser. Encore ne faut-il pas ignorer ce qui se passe. En "vidant" le Departement d'Etat et en confiant un droit d'initiative a des proches le president a porte un coup grave a la credibilite et au professionalisme de Washington, tant aux yeux de ses allies que de ses "competiteurs". Les Etats-Unis qui etaient chefs de file sont desormais les mal aimes au sein de leurs proches et sont a peine endures ailleurs. Les consequences a moyen terme risquent d'etre structurelles. L'Amerique de Trump est un spectacle sans scenario.

On a beaucoup parle d'une strategie Machiavelique (Steve Bannon) orchestree par la Maison Blanche. L'objectif etant une reorientation fondamentale de la societe americaine en direction d' un modele decentralise, deregularise et sous reserve d'une philosophie (?) de droite. Deja on peut observer  la distance acceleree entre Amerique cotiere et Amerique du milieu, entre l'espace urbain et le reste, entre laicite et coyance(s), entre Republicains -generation Bush, Romney- et nouveaux arrives, programmes pour defaire l'heritage d'Obama. "Fire and Fury", best seller de Michael Wolff, eclaire (trop) bien ce choc entre plaques tectoniques. Il ne faut pourtant pas croire, comme le font certains, qu'il sera facile de revenir a la case depart. Il est difficile de prevoir le futur mais il serait dangereux de sous-estimer la machine Trump ou de sur-estimer l' avantage aux Democrates.

Il est normal que dans ces conditions l'alliance Atlantique est aussi mise a l'epreuve. Les Europeens devraient suivre l'engagement suivi par le president Macron, distant sur les grands axes mais proche sur certains dossiers ponctuels. Trump a choisi d'etre "tout entier au dossier Russe attache" et les Europeens n'ont aucun interet a le suivre dans ce piege. On voit aujourd'hui ce qu'il en coute a Washington de n'avoir aucune strategie a long terme ou que ce soit. La Chine est proche la ou elle veut, la Russie renait de ses cendres tandis que les theatres qui ont vu les anciennes avancees americaines se vident ou sont transformes en entreprises de pompes funebres.

Cet Occident qui se vide doit  beneficier a l'Europe qui a encore sa "soft power" et qui doit se reassumer, apres les deboires Brexit et Trump. Il y a des foyers qui requirent plus que des parades militaires, du doigte, de l'historicite et une reconnaissance de responsabilite morale dans des situations, en premier lieu au Moyen Orient, en Afrique et en Asie. Une cooperation avec la Chine est parfaitement envisageable comme un retour aux accords d'Helsinki peut l'etre avec la Russie de Putin. Il n'y a pas de causes perdues...il n'y a que des opportunites manquees.